Ce soir de 1816, au bord du lac Léman, un défi littéraire lancé dans le sillage d’un orage a changé le visage de la littérature fantastique. Mary Shelley, alors âgée de 19 ans, n’avait pas encore conscience que la création de son roman “Frankenstein ou le Prométhée moderne” poserait les bases d’un mythe intemporel. Mais derrière la figure du monstrueux Victor Frankenstein se cachent bien plus que l’imagination d’une jeune femme : un dédale d’expériences scientifiques, de philosophies naissantes, de débats éthiques et d’histoires personnelles. Qui est cet homme qui a, sans jamais avoir réellement vécu, inspiré un personnage qui fascine encore ?
Mary Shelley, Lord Byron et la genèse d’une légende électrique
Dans la maison où s’étaient réfugiés Mary Shelley, Percy Bysshe Shelley, Lord Byron et leur entourage, la nuit se chargeait d’électricité littérale et symbolique. Confinés par une succession d’intempéries, ils mettaient à l’épreuve leur imagination lors d’une soirée dédiée à la création d’histoires de fantômes. C’est dans cette atmosphère électrique, nourrie par la présence de John Polidori, médecin et écrivain, que les germes de Frankenstein ont vu le jour.
Aussi étrange que cela puisse paraître, la forme originelle du monstre ne fut pas d’emblée celle que nous connaissons, mais une figuration née de discussions nourries par la philosophie des Lumières, les avancées scientifiques et la fascination pour l’électricité. Ce groupe d’intellectuels était marqué par les travaux de Léon Galvani, qui, à la fin du XVIIIe siècle, avait mis en lumière le rôle de l’électricité dans la contraction des muscles, donnant naissance au terme « galvanisme ».
Ce concept, mêlant la vie et l’électricité, trouva un écho puissant dans l’imagination de Mary Shelley, qui reprit l’idée d’un être animé par des forces électrisantes, défiant les frontières entre vie et mort. Cette soirée est ainsi bien plus qu’un simple cadre anecdotique : elle représente le creuset où la science, la littérature et la philosophie s’entrelacent.
- ⚡️ Mary Shelley découvre le galvanisme et s’interroge sur la nature de la vie
- 🌩️ Lord Byron popularise les récits sombres et fantastiques au sein de ce cercle
- 🩺 John Polidori, en tant que médecin, apporte un regard médical sur la création artificielle
- ✍️ Percy Bysshe Shelley soutient et échange des idées autour des limites de la connaissance humaine

De Galvani à Aldini : la frontière ténue entre science et mystère
Léon Galvani n’était pas seulement un simple scientifique : il incarna une révolution scientifique majeure. Son observation, dans les années 1780, que les muscles de grenouille se contractaient sous une stimulation électrique, fit naître une nouvelle discipline, le galvanisme, qui associait étroitement la vie à l’électricité. Cette découverte interrogea immédiatement la nature même de ce qui différencie un corps vivant d’un corps mort.
Son neveu, Giovanni Aldini, reprit et amplifia ces recherches, les transportant hors des laboratoires italiens pour les confronter à l’expérience publique en Angleterre. En 1803, Aldini monta un événement étonnant à la Royal College of Surgeons de Londres : devant une assemblée médusée, il appliqua des courants électriques à un cadavre récemment exécuté, celui de George Foster, un condamné à mort. Cette expérience, à la fois terrifiante et fascinante, fit la une des journaux et sema le doute sur les limites du vivant et du mort.
Dans le contexte de la guerre entre l’Angleterre et la France, l’idée de ressusciter les morts prenait une teinte presque stratégique. Imaginer des soldats revenus à la vie, ou des corps réanimés pour servir la patrie, semblait au moins partiellement envisageable pour une époque marquée par la tension et l’incertitude scientifique. Aldini, humble physicien mais aussi spectacle vivant, incarnait cette frontière ténue, dangereuse et captivante entre progrès et mystère.
- 🔋 Léon Galvani suggère que l’électricité est « l’étincelle de vie »
- ⚡ Giovanni Aldini tente de ressusciter un corps humain grâce au galvanisme
- 💀 Les expériences Edgar Poe-esque d’Aldini brouillent la distinction entre la vie et la mort
- ⚔️ En Angleterre, la guerre nourrit l’espoir d’applications militaires du galvanisme

Victor Frankenstein : création littéraire ou reflet d’un savant réel ?
Le personnage de Victor Frankenstein n’est pas simplement une invention purement littéraire de Mary Shelley : il semble au contraire s’appuyer sur plusieurs figures scientifiques réelles, nourrissant ainsi son aura de crédibilité et d’effroi.
Au-delà de Giovanni Aldini, plusieurs savants ont pu inspirer ce savant « fou » au parcours tortueux. Parmi eux, Erasmus Darwin, grand-père de Charles Darwin, qui, à la fin du XVIIIe siècle, s’intéressait aux origines de la vie et aux possibilités de la génération spontanée. Connu pour ses idées audacieuses dans un contexte encore largement marqué par des croyances rigides, Darwin-seigneur laissa une empreinte profonde dans la conscience collective des scientifiques et du grand public.
Mary Shelley connaissait bien ces débats, elle qui était entourée d’un cercle d’amis intellectuels passionnés par ces questions. Percy Bysshe Shelley, son mari, était lui-même fasciné par les avancées scientifiques et la philosophie naturelle. En creusant, on découvre une constellation d’influences :
- 🧪 Giovanni Aldini et ses expériences électriques
- 🌱 Erasmus Darwin et ses réflexions sur l’origine de la vie
- 📜 Les réflexions philosophiques sur la nature et la création
- ✒️ La volonté romantique et critique sur l’hubris scientifique
Ce mélange crée un Victor Frankenstein complexe, à la fois génie et figure tragique, témoin des contradictions de son temps entre progrès scientifico-technique et questionnements éthiques.
Le Prométhée moderne et la tension entre science et éthique
Pour nommer son œuvre, Mary Shelley choisit la référence évocatrice de Prométhée, le Titan qui vola le feu aux dieux pour l’offrir aux hommes. Cette allégorie, lourde de signification, éclaire le cœur de “Frankenstein” : la quête humaine du savoir, le pouvoir créatif risqué, et la punition parfois amère qui suit l’outrecuidance scientifique.
Ce choix n’était pas gratuit. Prométhée incarne la tension paradoxale entre la revendication du progrès et la conscience des limites inhérentes à la nature humaine. Mary Shelley pose ainsi la question : dans quelle mesure peut-on, doit-on s’arroger le droit de créer la vie, de dominer la nature ?
Le roman se déploie comme une mise en garde, non contre la science en elle-même, mais contre l’avidité humaine, contre cette soif de tout comprendre et contrôler qui peut aboutir au malheur et à la solitude. Ce débat est plus que jamais d’actualité, notamment en 2025, avec les enjeux croissants liés à l’intelligence artificielle, la biotechnologie ou la manipulation génétique.
- 🔥 Prométhée symbolise le risque du progrès démesuré
- ⚖️ Frankenstein interroge la responsabilité morale du savant
- 🧬 Question d’éthique sur la création et la manipulation de la vie
- 🌐 Résonances contemporaines dans la recherche scientifique actuelle

Des émotions brutes à la création d’un mythe universel
Au-delà des influences scientifiques, le personnage de Frankenstein est aussi profondément ancré dans le vécu émotionnel de Mary Shelley. Les douleurs personnelles, la peur de la perte, la fascination pour le pouvoir et la solitude se mêlent pour forger un récit qui dépasse le cadre strictement scientifique.
La figure du monstre, rejetée et incomprise, parle de l’exclusion sociale, de la peur de l’autre, et des conséquences imprévues de nos actions. C’est aussi un miroir tendu à notre humanité, à la quête insatiable de sens et de reconnaissance.
- 💔 L’expérience personnelle de Mary Shelley, entre deuils et solitude
- 👁️ La créature comme reflet de l’altérité et de la marginalisation
- 🌀 Les émotions exacerbées comme moteur de la narration
- 🌍 Un mythe capable de traverser les cultures et les époques
Des expérimentations réelles à la folie littéraire : une frontière floue
Les expériences de Giovanni Aldini, oscillant entre science rigoureuse et mise en scène spectaculaire, posent une question fondamentale : où finit la science et où commence la fiction ? À cette époque, cette frontière est poreuse, terriblement incertaine.
Les cobayes, oscillant entre cadavres humains et morceaux d’animaux, sont les témoins d’un monde qui tente désespérément de comprendre la vie en manipulant ses formes. Cette quête, parfois macabre, alimente un imaginaire fertile, mais soulève aussi des débats éthiques virulents, encore vifs de nos jours.
- 🔬 L’utilisation des condamnés à mort pour la science
- 🎭 Le spectacle scientifique : entre fascination et horreur
- ❓ Les limites éthiques de la recherche en vigueur alors et maintenant
- 🧟 La naissance d’une figure archétypale : entre monstre et humain

Le rôle des récits et des mythes dans la construction de Frankenstein
Au-delà des faits historiques, “Frankenstein” est aussi une œuvre nourrie de récits multiples, mêlant folklore, mythologie et légendes. L’image du savant qui défie les dieux trouve des échos dans de nombreuses cultures, où le thème de l’hubris – la démesure humaine – est récurrent.
Ce n’est pas par hasard que Mary Shelley choisit d’appeler son roman “le Prométhée moderne” : ce mythe grec est un emblème puissant de la création et de la transgression. Les mythes donnent une assise universelle au récit, lui permettant de dépasser le temps et les cultures pour devenir un symbole vivant.
- 📚 L’influence des mythes anciens, notamment grecques
- 🌙 Les légendes populaires autour de la résurrection
- 🖋️ Le pouvoir des histoires pour transmettre des questionnements profonds
- 🌀 La résonance universelle du mythe de Frankenstein
Pourquoi le personnage de Frankenstein demeure-t-il une icône en 2025 ?
En cette ère marquée par des progrès scientifiques vertigineux et des débats éthiques intenses, la figure de Frankenstein continue à percuter l’imaginaire collectif. Elle nous interroge sur les limites de notre pouvoir, sur les responsabilités qui accompagnent la connaissance, et sur l’humanité même.
Dans un monde où l’intelligence artificielle et les biotechnologies avancées posent de nouvelles questions, Frankenstein est un parangon symbolique des espoirs et craintes qui nous traversent. Le personnage met en lumière le dilemme éternel entre la création et le contrôle, entre la curiosité et la prudence.
- 🧠 La fascination toujours vive pour la science et ses mystères
- ⚠️ La vigilance éthique face aux avancées technologiques
- 🌍 La quête de sens et la peur de l’isolement
- 📅 Un mythe qui s’adapte aux enjeux contemporains

Questions-réponses stimulantes autour de Frankenstein et ses inspirations
Qu’est-ce qui a le plus influencé Mary Shelley pour créer Frankenstein ?
C’est un mélange unique d’expériences scientifiques récentes, comme celles de Giovanni Aldini sur le galvanisme, de réflexions philosophiques sur la vie, et d’un contexte littéraire et social fertile, incluant sa proximité avec Lord Byron et Percy Bysshe Shelley. La soirée d’été de 1816 au lac Léman est le point de départ de ce mélange inédit.
Les expériences de Giovanni Aldini sont-elles à l’origine du mythe de Frankenstein ?
Oui, elles constituent un fondement réel puissant. Aldini est l’un des premiers à tenter de redonner vie à un corps par l’électricité, une idée aussi fascinante que terrifiante, qui a nourri l’imaginaire collectif jusqu’à Mary Shelley.
Pourquoi Mary Shelley a-t-elle associé Victor Frankenstein à Prométhée ?
Le choix de Prométhée souligne la tragédie humaine liée à la quête du savoir et du pouvoir. Comme Prométhée, Victor Frankenstein transgresse des limites sacrées, ce qui le condamne à une solitude et un malheur profond. Cela ouvre aussi une réflexion sur le prix de la science et du progrès.
Quelles questions éthiques soulève encore Frankenstein aujourd’hui ?
Les questions de responsabilité scientifique, le respect de la vie, les dangers de l’orgueil humain face à la nature, et l’impact des technologies avancées telles que l’intelligence artificielle sont au cœur des débats contemporains auxquels Frankenstein continue de s’adresser.
La figure de Frankenstein évolue-t-elle avec le temps ?
Absolument. Selon les époques, les interprétations changent : de savant fou, il devient parfois victime, d’autres fois symbole des dérives scientifiques. Sa capacité à incarner différents angles de la condition humaine fait sa force et sa pérennité.
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